De plus en plus au centre des préoccupations, le bien-être au travail va au-delà du phénomène de mode et est désormais un véritable enjeu au cœur des entreprises, quelque soit leur taille ou domaine. Ce paramètre venu tout droit du monde des start-up s’est donc propagé d’abords dans les grands groupes, puis de plus en plus il est au cœur des PME et ETI. Il faut dire que cette donnée est un facteur important de cohésion, d’harmonie, et d’agilité au sein des équipes de collaborateurs et qu’il permet de fidéliser les éléments les plus talentueux. Les méthodes se multiplient pour que le travail des collaborateurs soit pour chacun d’entre eux un plaisir, un épanouissement, et que la «corvée» souvent associée au mot travail même, ne soit plus qu’un lointain souvenir, d’une époque révolue.

au-delà de la corbeille de fruits et du baby-foot

Les premiers pas des dirigeants d’entreprise dès qu’ils s’intéressent au bien-être de leurs employés, tiennent souvent dans des attentions d’abords matérielles : mettre à disposition pour l’ensemble des collaborateurs des fruits frais si possible dans un panier très coloré, un petit déjeuner quotidien rempli de viennoiseries partagé avec tous, ou encore un baby-foot dans une pièce adjacente pour libérer un peu d’adrénaline et se muscler les poignets entre collègues. C’est vrai que c’est aussi agréable de partager entre collègues et durant quelques minutes d’autres choses que des dossiers épineux ou des power point soporifiques.

Mais ces aménagements -agréables certes- qui étaient les prémices de la prise en compte du bien-être au travail, sont aujourd’hui complétés par des actions plus innovantes et structurées comme celle de recruter (parfois) un «Chief Happiness Officier» (CHO) qui est en charge du bonheur au travail dans l’entreprise. Un poste qu’on aurait pas imaginé il y a encore quelques années, sauf peut-être dans un film de science-fiction positivement utopique.

Encore faut-il s’accorder sur la définition même du bonheur, qui reste avant tout cantonné à la sphère privée.

«Au terme « bonheur » plutôt subjectif, je préfère ceux de « qualité de vie », de « bien-être au travail », qui font plus référence à l’harmonie des équipes, à la convivialité, à la qualité de l’environnement de travail et au sens de son travail», précise Alain André, directeur de la prévention et de la qualité de vie au travail chez Orange.

Un nouveau business à explorer

Le bien-être au travail c’est aussi une opportunité de nouveaux marchés, et les start-up qui en ont fait leur expertise éclosent les unes après les autres. Que ce soit le développement de l’incentive dans les entreprises françaises, des propositions de nouvelles stratégies de management, des formules forfaitaires dédiés au bien-être des collaborateurs, les innovations sont nombreuses. L’association le Lab RH fédère 350 start-up RH qui explorent ce filon, comme Youdoo, une plateforme interne d’organisation d’afterwork (événements partagés entre collègues après le boulot, et qui ne se limitent pas à des pintes de bière), ou encore GeoLocaux qui avec son algorithme vous trouve le meilleur emplacement pour vos locaux en prenant en compte les contraintes de transport des salariés. Des services dits de «conciergerie» (pressing, lavage de voiture, réservation en tous genres, etc) apparaissent de plus en plus sur le lieu même du travail afin d’alléger les contraintes du quotidien des salariés. Les cours de FengShui et autres méthodes de méditation, et même la sieste digestive d’après déjeuner, sont de moins en moins rares dans les entreprises.

Bref il y a de quoi faire pour proposer de nouveaux services et répondre judicieusement aux accords QVT (qualité de vie au travail) et avec l’apparition chaque année du classement des entreprises où il fait bon travailler (dont les premières places sont toujours trustées par les GAFA, Google et Apple notamment), les dirigeants d’entreprise savent pertinemment que s’ils ne prennent pas cette question du bien-être en compte, ils doivent s’attendre à des répercutions négatives sur leur société (notamment la perte d’éléments importants et compétents).

De la reconnaissance du harcèlement moral à la prévention du burn-out

La reconnaissance du harcèlement moral n’a eu lieu qu’à partir des années 2000, celle du burn-out plus récemment encore. Mais à partir de ces reconnaissances dans la sphère publique, la réflexion se tourne désormais vers « comment améliorer encore et toujours les conditions et l’environnement du travail ». Et cela commence par donner du sens, révéler le pourquoi et le comment de chaque poste occupé par un collaborateur.

«Plus que le bien-être au travail, je préfère utiliser le terme de qualité de vie au travail, qui inclut des méthodes de management, et d’organisation. Les entreprises se content souvent de mettre du vernis avec de beaux bureaux et des outils de mesure pour tout et n’importe quoi, mais si on ne repense pas l’organisation de l’entreprise, cela ne sert à rien. Prenez l’exemple des start-up dont on vante le modèle un peu partout. Il y a certes beaucoup moins de lourdeurs hiérarchiques que dans des grands groupes mais les méthodes peuvent tout aussi bien mener à une course à la rentabilité néfaste pour la santé des salariés», met en garde la psychiatre Marie-France Hirigoyen, spécialisée dans la souffrance au travail et le harcèlement moral.

Le burn-out qui s’est invité dans le débat politique dès 2016, à travers la voix notamment de Benoit Hamon pour le prévenir et le prendre en charge, n’est donc pas encore prêt à disparaître des écrans radars des médecins du travail. Pour autant, parvenir à le faire entre dans le débat public est un gage de prise de conscience et de réelles volontés d’en finir, globalement, avec la souffrance au travail.

«Quand on voit des avancées légales comme celle du droit à la déconnexion, on ne peut que penser que cela continuera, car les entreprises prennent enfin conscience que leur principale valeur ajoutée aujourd’hui est l’humain» s’enthousiasme Patrick Thiébart, avocat spécialisé en droit social au Cabinet Jeantet.

Autre axe particulièrement présent dans le bien-être au travail et qui va de plus en plus faire parler de lui dans les prochaines années : le télétravail. Pour vous faire une idée sur cette nouvelle façon (tendance ?) d’envisager le travail, vous pouvez relire notre précédent article.

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