Coup de crayon en ville sainte

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© Éditions Delcourt
Dans « Chroniques de Jérusalem », un livre à la frontière du journal intime et du reportage en immersion, le dessinateur canadien Guy Delisle raconte son année passée à Jérusalem-Est.

Si le conflit israélo-palestinien a été traité à plusieurs reprises en bande dessinée, par le BD-reporter américain Joe Sacco(1) notamment, Guy Delisle, auteur de BD et animateur, a pris le parti de raconter son quotidien d’expatrié installé à Jérusalem-Est. Après avoir décrit de l’intérieur la vie en Chine (Shenzen), en Corée du Nord (Pyongyang) et en Birmanie (Chroniques birmanes), le dessinateur québécois de 45 ans raconte ici son année à l’ombre du mur enclavant les Palestiniens, à découvrir les richesses quasi infinies et parfois presque invisibles de la ville, mais surtout à tenter de comprendre comment fonctionne cette cité si compliquée.

 

De la même manière que dans ses précédents livres, Guy Delisle y promène son alter ego un brin plus naïf que lui – une manière de poser plus facilement les questions – et curieux de découvrir les lieux incontournables comme ceux où il ne vaut mieux pas s’aventurer. Qu’on ne s’y trompe pas, sous l’aspect candide du personnage se cache un regard aiguisé par différentes expériences à l’étranger, notamment dans les dictatures nord-coréenne et birmane. L’humour et le talent de Guy Delisle sont toujours présents. Des anecdotes cocasses aux situations révoltantes, il en ressort un livre à la frontière du journal intime et du reportage en immersion. Un terme que l’auteur se refuse cependant à employer dans la mesure où son récit ne fait pas l’objet d’une investigation avancée.

 

Dans cet opus consacré à Jérusalem, Guy Delisle avoue toucher à un sujet dont il se sent proche. Il n’hésite donc pas à se montrer plus descriptif et multiplie ainsi les longs paragraphes d’explication autant que les pages muettes, riches de détails et d’ambiances.

 

Si l’on devine facilement le parti pris de Guy Delisle dans ce livre, l’auteur réussit cependant à le nuancer en jonglant avec l’ironie et les temps morts. La grande force de Chroniques de Jérusalem repose précisément dans ce que le journalisme ne peut pas s’autoriser : le point de vue. Conter le quotidien d’un personnage lambda – dans lequel chaque lecteur pourra se reconnaître – vivant au milieu d’une population et sur une terre divisée par les conflits, s’avère aussi enrichissant, voire plus efficace, qu’un bon reportage. Idéal pour (re)découvrir un territoire et une histoire saturée de fausses vérités.

 

(1) Palestine: une nation occupée, Vertige Graphic, 1996 ; Palestine : dans la bande de Gaza, Vertige Graphic, 1996; Gaza 1956, en marge de l’histoire, Futuropolis, 2010 ; Palestine, Éditeur Rackham, 2010.

 

Chroniques de Jérusalem

Par Guy Delisle, Éditions Delcourt, Collection Shampooing, 22,50 euros, www.editions-delcourt.fr, www.guydeslile.com.

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