« Quand on a commencé à produire du café biologique, tout le monde se moquait de nous et on me prenait pour un fou, sourit Felix Marin, président de la Coopérative agraire cafetière Hemalu du Bois des Incas (Coopchebi). Aujourd’hui, tout le monde nous cherche et la production ne suffit plus à couvrir le marché. » Désormais à la tête d’un des principaux exportateurs de « café bio » du pays, ce Péruvien « né au milieu des plants de café » se souvient très bien des débuts laborieux de la coopérative familiale de Villa Rica, au centre du Pérou. « Jusqu’en 1989, la loi interdisait aux producteurs d’exporter leurs produits et nous passions notre temps à prier les commerçants de bien vouloir essayer de vendre notre café. » En 1990, la loi ayant changé, l’ingénieur agronome décide de sauter le pas et se rend en Suisse chez des amis pour promouvoir son café. C’est là qu’il rencontre un entrepreneur qui lui confie sa volonté d’acheter du café biologique. « Il m’a demandé si je pouvais obtenir la certification que donnait à l’époque le ministère. Je l’ai obtenue et cela a été notre première exportation », raconte Felix Marin. Aujourd’hui, la Coopchebi, qui s’est fait connaître pour la grande qualité de son café « gourmet », exporte quatre à cinq containers par an : la majorité au Japon et un container à son client suisse.
En 2009, elle a facturé quelque 180 000 dollars (120 000 euros), un peu moins que l’année précédente (200 000 dollars, soit 133 000 euros). « Dernièrement, la demande est trop forte, alors nous aidons des coopératives voisines pour qu’elles puissent répondre aux marchés que nous ne pouvons pas couvrir », explique Felix Marin, qui ne tient pas à agrandir la Coopchebi qu’il gère avec ses frères et ses enfants. L’ingénieur multiplie au contraire les formations aux producteurs voisins, intéressés par la filière biologique. « Il est important de comprendre qu’il faut faire attention à tout, de la récolte à la livraison pour maintenir la qualité du café », insiste Felix Marin, qui espère pouvoir appuyer d’autres coopératives dans le reste du pays. « Dans de nombreuses régions du Pérou, les agriculteurs n’ont jamais utilisé de pesticides, car les routes en trop mauvais état empêchaient de les transporter, raconte Felix Marin. Aujourd’hui, ils n’en utilisent toujours pas, mais cette fois, c’est parce qu’ils ont compris qu’on a tous à gagner à produire du biologique. » Au niveau national, les exportations péruviennes de café bio sont devenues significatives à partir de 2002 et n’ont cessé d’augmenter depuis, passant de 61 millions de dollars en 2006 (40,5 millions d’euro) à 125,5 millions de dollars en 2008, soit 83,5 millions d’euros (+ 103 %). Une croissance que les autorités péruviennes prévoient de maintenir durant les prochaines années.
L’agro-exportation péruvienne, grande victime de la crise
Secteur phare de l’économie péruvienne, les exportations de produits agricoles n’ont cessé d’augmenter de 2000 à 2008, atteignant un taux annuel de croissance de 17 %. Cette année pourtant, l’agro-exportation a vécu de plein fouet les conséquences de la crise financière internationale. Les ventes d’asperges à l’étranger, qui faisaient du Pérou le premier exportateur mondial depuis 2003 et représentaient jusque-là 17 % des exportations agricoles, ont notamment chuté de 18,3 % sur la période janvier-août (216 millions de dollars en 2009, soit 144 millions d’euros). Autre chute aux grandes conséquences pour le secteur : celle du café, qui représentait 25 % de l’ensemble des exportations agricoles. Les ventes de café ont ainsi seulement atteint 265 millions de dollars (176 millions d’euros) sur la première période de l’année (janvier-août), soit une baisse de 14,4 % en valeur et 10,6 % en volume par rapport à 2008. L’augmentation des exportations de café vers la Colombie (30 millions de dollars, soit 20 millions d’euros) n’a pas suffi à compenser l’effondrement de la demande provenant d’importants marchés comme l’Allemagne (90 millions de dollars, soit 60 millions d’euros, – 12,8 %) ou les États-Unis (56 millions de dollars, 37 millions d’euros, – 29,5 %). Le dernier trimestre de l’année permettra-t-il aux produits agricoles péruviens d’exportation de se remettre de la chute enregistrée durant le premier semestre ? C’est ce que semble croire le ministre de l’Agriculture du Pérou, Adolfo de Cordova, qui a assuré en octobre que « les exportations agricoles sont entrées dans un processus de récupération et enregistreront une croissance annuelle entre 2 et 2,5 %. »