Les nouveaux conquistadors économiques du Chili

98
L’économie chilienne a traversé une légère récession en 2009, mais l’activité commence déjà à repartir. En 2010, on prévoit une croissance comprise entre 3,5 et 5 %. Aux entreprises européennes de profiter des nouvelles opportunités chiliennes. Explications.

Patrick Hervé, chef du service économique près l’ambassade de France au Chili, passe en revue les opportunités, pour les entreprises européennes, de ce pays d’Amérique du Sud.

 

Commerce International : Comment se porte l’économie chilienne ?

 

Patrick Hervé : « Le Chili dépend aujourd’hui encore beaucoup des mines et autres matières premières (filières agricole et alimentaire, bois…), qui représentent plus de la moitié de ses exportations. À terme, son défi sera de trouver des relais de croissance dans l’innovation, ce qui ouvre des opportunités pour les entreprises européennes. Surtout que le Chili a signé des accords de libre-échange avec 57 pays dans le monde et qu’il prend actuellement énormément d’ampleur en Amérique latine. Par ailleurs, des élections auront lieu à la fin de cette année,et le nouveau gouvernement, qui arrivera au pouvoir en mars 2010, pourrait prendre de nouvelles mesures économiques. »

 

Quel portrait dressez-vous des relations commerciales entre l’Europe, notamment la France, et le Chili ?

 

P. H. : « Vu de France, le Chili est un petit pays, même s’il s’agit du pays le plus riche d’Amérique latine en matière de PIB par habitant ! D’une manière générale, il y a une méconnaissance certaine des atouts du pays. En valeur, la France est le 11e partenaire commercial du Chili, son 9e client et son 14e fournisseur ; et la balance commerciale est très largement déficitaire pour la France – ce déficit a atteint 1,3 milliard de dollars en 2008, soit 869 millions d’euros. Ce n’est pas forcément le cas pour tous les pays d’Europe. En effet, depuis la mise en œuvre d’un accord de libre-association avec l’Union européenne, la France est le grand pays européen qui a le moins profité des opportunités offertes. Depuis février 2003, les échanges entre les deux pays n’ont augmenté que de 50 %, alors que dans le même temps, ceux entre le Chili et l’Allemagne progressaient de 180 %, et ceux du Chili avec l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni, de 130 %. L’euro est souvent cité comme un handicap, mais on voit bien que ce ne peut être la seule explication… »

 

Comment se portent les investissements étrangers au Chili ?

 

P. H. : « Les investissements directs des entreprises (IDE) se portent très bien. Ils s’orientent principalement vers les mines, la production énergétique, l’environnement et les infrastructures routières en raison d’une politique qui encourage les concessions. En 2008, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, la Cnuced, les investissements directs à l’étranger (IDE) au Chili ont atteint 16,8 milliards de dollars (11,2 milliards d’euros), en augmentation de 33 % par rapport à 2007, ce qui place le Chili à la 3e place des pays récipiendaires en Amérique latine. »

 

Le Chili dispose-t-il d’un environnement d’affaires favorable pour les entreprises étrangères ?

 

P. H. : « Tout à fait, c’est un pays très libéral. On peut y établir une entreprise sans difficulté, le taux d’imposition des sociétés y est de 17 %, et des accords de non-double imposition ont été signés avec certains pays européens, comme la France. Sans oublier l’accord de libre-association avec l’Union européenne, qui apporte des protections et un statut fiscal – depuis 2002 – de plate-forme régionale d’investissements. Le Chili peut ainsi être un relais intéressant pour des entreprises européennes qui souhaitent se développer dans la région. En outre, depuis 2007, une nouvelle forme de société – la société par actions – permet à un étranger (personne physique ou morale) de créer une entreprise au Chili sans avoir recours à un partenaire local. Sans oublier que le Chili dispose d’avantages comparatifs certains en Amérique du Sud, notamment en termes d’infrastructures de transports, de qualification de la main-d’œuvre et de qualité de vie pour les expatriés ! »

 

Où se trouvent les opportunités pour des entreprises européennes qui souhaiteraient se développer au Chili ?

 

P. H. : « Tous les secteurs sont porteurs. Pour les biens de consommation par exemple, les produits innovants peuvent trouver des acheteurs. La classe moyenne chilienne représente en effet 30 % de la population, et il est donc possible de toucher un grand nombre de consommateurs. Il y a également des opportunités pour les entreprises européennes dans la production électrique (hydroélectricité, gaz, gaz naturel liquéfié [GNL], centrales au charbon), le développement durable (énergies renouvelables, économies d’énergie, environnement), l’agroalimentaire (vente et achat de matières premières), l’aquaculture et les activités maritimes, ainsi que le tourisme, dans la mesure où le Chili manque pour l’instant d’infrastructures dans ce secteur. »

Article précédentLes ambitieux projets du président de l’Equateur Rafael Correa
Article suivantAlbert Fuchet, directeur général de Schneider Electric Chile: « Notre activité est orientée par le profil des industries au Chili »