Perte du AAA français : fausse alerte ?

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Le déclassement récent de la France par l’agence Moody’s a laissé les marchés indifférents. Un constat qui pose la question de la crédibilité de ces arbitres de la finance et du degré de gravité réel de la dette française. Il n’y a pas péril en la demeure, mais le besoin de réformes reste nécessaire, tandis que des solutions alternatives émergent pour sortir de la spirale de l’endettement.

 

 

En janvier dernier, la France a vu sa note baisser d’un cran selon des résultats rendus par l’agence de notation Standard and Poor’s, passant de AAA à AA+. Lundi dernier, c’est aux yeux de Moody’s que le pays a perdu de sa superbe, avec un déclassement de Aaa à Aa1. Un nouveau rappel à l’ordre qui invite le gouvernement à rectifier le tir quant à la gestion de sa dette nationale. Mais les sonnettes d’alarme tirées par ces arbitres internationaux semblent susciter de plus en plus d’indifférence auprès des acteurs de la finance. En témoigne la valeur de l’euro, qui n’a pas montré d’inflexion face au dollar. Dans la soirée du lundi 19 novembre, après l’annonce de l’agence Moody’s, la monnaie unique avait certes perdu un peu de terrain sur le marché des devises. Mais dès, le mardi matin 20 novembre, elle se renforçait à nouveau en passant largement au-dessus des 1,28 dollar. Même constat sur le CAC 40, dont la légère diminution de 0,2 % au cours des premières heures le lendemain de l’annonce a rapidement été considéré comme un effet nul par les observateurs. L’indice a même terminé la séance en hausse de 0,65 %. « Pour résumer la situation simplement, on peut dire que suite à ce déclassement, il ne s’est tout simplement rien passé », constate Xavier Timbeau, économiste et directeur du département Analyse et Prévision à l’OFCE.

 

 

La distribution des bons et mauvais points par les grandes agences de notation américaines est de plus en plus contestée, comme le montre la réaction de la fondation Bertelsmann qui, dès le mardi 20 novembre, a fait connaître le résultat de ses travaux en faveur d’un nouveau modèle de notation. Celui-ci souligne notamment la « très bonne solvabilité de la France, qui atteint presque le niveau de l’Allemagne. » Outre les indicateurs macroéconomiques traditionnels, des indicateurs prévisionnels développés en collaboration avec des experts de la notation sont intégrés dans le système d’analyse de cette agence internationale à but non lucratif. Il s’agit par exemple de la gestion de la crise par les États, de l’investissement dans les énergies de demain et de leur exploitation, ou de la mise en œuvre des réformes structurelles nécessaires. L’atout majeur de cette notation serait qu’elle tient compte des données macroéconomiques traditionnelles, en plus du développement socio-économique d’un pays, ce qui permettrait d’obtenir de meilleures évaluations.

 

 

Contrairement à l’agence Moody’s, la fondation Bertelsmann estime que « le gouvernement français obtient une bonne note pour sa gestion de la crise. » Mais elle met aussi en avant « un risque d’insolvabilité élevé pour la France. La dette publique est passée de 66 % du PIB en 2005 à 91 % aujourd’hui. Non seulement, elle est plus élevée que dans certains pays comparables, mais elle devrait continuer à croître dans un avenir proche. » Les menaces de hausse des taux d’intérêt des banques et compagnies d’assurance créancières de l’Etat sont pointées du doigt comme des écueils qui empêchent de s’extirper de la spirale de l’endettement. Si les craintes des différents acteurs s’accentuent, les taux d’intérêt, encore relativement bas, auxquels la France est soumise actuellement, pourraient bien augmenter. Quelles solutions faut-il alors envisager ?

 

 

L’ancien premier ministre français Michel Rocard et l’économiste Pierre Larrouturou font partie des nombreuses personnalités à défendre une alternative inspirée de la Fed qui, au plus fort de la crise de 2008, avait sauvé le système bancaire américain en accordant des crédits à 0,01 %. Il s’agirait pour la BCE de prêter à des établissements publics de crédit aux mêmes taux que ceux accordés aux banques commerciales, c’est-à-dire environ 1 %. Ces mêmes établissements pourraient ensuite prêter aux États aux mêmes taux et rendre supportables les coûts de refinancement des dettes anciennes. « Un système de prêt direct n’est pas à l’ordre du jour, mais une solution qui s’en rapproche est désormais envisagée avec le dispositif OMT (Outright Monetary Transactions), annoncé par la BCE et mis en place actuellement », explique Xavier Timbeau. Il s’agit d’un programme de rachat de dette souveraine en quantité illimité. Le système d’intervention n’est pas aussi direct que celui en vigueur aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, mais il offre une alternative intéressante. « Le but de la BCE est surtout d’en faire un remède pour les pays les plus endettés du sud de l’Europe pour qui les taux dépassent largement les 5 % », précise Xavier Timbeau. Mais les contours de cette nouvelle solution restent à définir. « Ce programme de la BCE sera proposé aux Etats sous conditions. Un plan d’ajustement des finances publiques respectant des critères stricts devra être proposé en contrepartie. Une autre grande question reste celle du type de taux d’intérêt accordé. Aucun chiffre n’a été annoncé pour l’instant », poursuit-il.

 
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