Les paradis fiscaux cibles du Comité catholique contre la faim et pour le développement-Terre solidaire (CCFD)

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En dépit des efforts des autorités à l’échelle mondiale, les multinationales européennes continuent de fréquenter les paradis fiscaux.

 

Les paradis fiscaux n’ont pas disparu, n’en déplaise aux membres du G20 qui avaient fait ces deux dernières années leur priorité de la disparition de ces centres offshore. C’est en tout cas la conclusion du Comité catholique contre la faim et pour le développement-Terre solidaire (CCFD), une ONG parmi les plus puissantes et les plus sérieuses.
À partir d’un minutieux travail d’étude des rapports d’activité des cinquante principales entreprises européennes, le rapport publié en décembre dernier par ce mouvement de l’Église catholique livre un panorama inédit des filiales de ces entreprises dans les trous noirs de la finance. Alors que la France présidera en 2011 les sommets du G8 et du G20, le rapport dresse également un état des lieux de la lutte contre l’évasion fiscale depuis le G20 de Londres et rappelle les attentes dans ce domaine des sociétés civiles soucieuses d’une plus grande justice, au nord comme au sud.
Un bémol cependant : la notion de paradis fiscal retenue est sujette à caution, car elle permet de qualifier ainsi des pays comme les Pays-Bas, l’Irlande, l’Autriche et la Belgique… « Chaque année, l’évasion fiscale des multinationales fait perdre aux pays en développement 125 milliards d’euros de recettes fiscales, soit quatre fois le montant nécessaire estimé par la FAO pour éradiquer la faim », accuse Terre solidaire.
Selon l’ONG, la totalité des cinquante principales multinationales étudiées disposeraient de filiales dans les paradis fiscaux et aucune n’explique « de façon transparente l’activité qu’elle mène dans ses filiales ». Deux d’entre elles, Lloyds Bank et Bosch, ne fourniraient aucune information dans ce domaine. D’après CCFD-Terre solidaire, les 48 autres revendiquent 4 748 filiales dans des pays à faible transparence fiscale, soit 21 % de l’ensemble de leurs filiales.
Les banques seraient les premières clientes des paradis fiscaux. Deutsche Bank y aurait installé 446 filiales qui s’ajouteraient à 632 entités domiciliées à Londres et au Delaware. Barclays suit, avec 383 filiales de cette nature, 36 % du total. Sans oublier BNP Paribas (347) ou UniCredit (345). Pourquoi un tel engouement ? Être présent dans une place offshore « permet de mieux agir sur les prix de transfert relatifs aux opérations matérielles ou immatérielles entre filiales », explique Terre solitaire. De plus, les grands groupes cherchent à localiser les profits dans les pays à faible taux d’imposition.
Comment lutter contre ces pratiques ? L’ONG apporte des éléments de réponse. Selon elle, il faudrait tout d’abord « obliger les multinationales à publier leurs comptes pays par pays, voire filiale par filiale » et durcir les sanctions contre la criminalité économique et financière. Le rôle du G20, de l’OCDE et de l’Union européenne est crucial. Or, estime Terre solidaire, « les dirigeants des pays du G20, comme ceux de l’ensemble des enceintes prétendant piloter la mondialisation, se trouvent dans l’impossibilité de faire des choix collectifs éclairés ». Et cela parce que « les indicateurs statistiques qui guident les décisions de politiques économiques sont biaisés ».

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