Afrique du sud 2009: la Coupe du monde de tout un continent

306

Comme prévu, l’organisation de la Coupe du monde coûtera cher à l’Afrique du Sud. Plus de 40 milliards d’euros ont été engagés en 2007 sur trois ans pour moderniser les infrastructures, dont 1,7 milliard directement lié au Mondial. Des montants plus élevés que pour les trois précédentes Coupes du monde de la Fifa organisées en France, au Japon et en Corée, puis en Allemagne, pays qui avaient déboursé entre 1,6 milliard et 2 milliards d’euros. Mais même si la première puissance d’Afrique est un pays développé, le retard à combler pour satisfaire les exigences de la Fifa était immense. Routes, stades, aéroports, rail, hôtels… L’Afrique du Sud a dû mettre la main à la poche et l’a fait avec bonheur. Aussi bien au plus haut niveau de l’État que dans les rues des villes, une certitude semble ancrée : « après 2010, tout le monde sera riche ! », affirmait un chauffeur de minibus de Durban tout sourire… avant de se reprendre : « tout le monde doit être riche, sinon… »

 

Un impact financier relatif
Car l’impact financier de l’organisation d’une Coupe du monde est parfois mitigé, avec des retombées qui se mesurent sur le long terme plutôt qu’au moment de l’événement lui-même. Surtout pour l’Afrique du Sud, qui n’en attend pas autre chose : ce Mondial est celui de tout un continent féru de ballon rond et qui souhaite montrer un nouveau visage au monde quel qu’en soit le prix à payer. En tout, le pays table sur un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros correspondant à 5,5 milliards d’euros directement injectés dans son PIB, 129 000 emplois créés, dont 50 000 durables, et 1,9 milliard d’euros de recettes fiscales supplémentaires. Après le Mondial 98, la France avait obtenu une croissance de 3,5 % de son PIB en 1998 contre 2,3 % en 1997. La victoire des Bleus jouant un rôle notable dans la bonne performance économique du pays. Car, finalement, l’impact du Mondial reste modeste. En Allemagne par exemple, il n’avait pas vraiment modifié les performances économiques. L’entreprise fabricante de Goléo, le lion en peluche mascotte de la Coupe 2006, avait même déposé le bilan.

 

Tourisme et événementiel : les grands gagnants
Pourtant, malgré la crise, les organisateurs sud-africains espèrent des performances économiques au moins équivalentes à celles de ses prédécesseurs, à l’image des investissements consentis. Plus de vingt-deux hôtels ont été construits dans la seule ville de Johannesbourg pour accueillir les 480 000 touristes étrangers attendus dans le pays. Bien loin du 1,3 million de touristes enregistré lors de la Coupe du monde 2006. Mais là où seulement 16 % des touristes avaient combiné leurs matchs avec leurs vacances, l’Afrique du Sud table sur une bien meilleure performance. Après un long voyage, les fans de foot devraient en profiter pour visiter le pays. 7,3 milliards d’euros des revenus liés au tourisme sont attendus. Et c’est surtout dans le futur que les bénéfices devraient se faire sentir. Prenant exemple sur l’Allemagne, où 88 % des visiteurs avaient déclaré recommander à leurs connaissances un voyage à l’issue du Mondial, le comité du tourisme sud-africain table avec optimisme sur 10 millions de visiteurs en 2010, soit une augmentation de 5,2 % après une saison touristique à marquer d’une pierre noire. Car le plus important pour l’Afrique du Sud est bien de se débarrasser de son image de pays dangereux. La nation aux cinquante crimes par jour n’entend donc laisser passer aucun incident. La police sud-africaine déboursera 64 millions d’euros afin de déployer 41 000 agents spéciaux de sécurité, sur fond de recrutement massif. 66,5 millions d’euros seront par ailleurs alloués à l’achat d’équipement anti-émeute. Ce fort accent mis sur la sécurité a réussi à convaincre, mais le gros point noir reste les transports en commun qui doivent encore être améliorés malgré les investissements pharaoniques.

 

Droits télévisés multipliés par deux
De son côté, la Fifa finance l’événement à hauteur de 1,08 milliard de dollars (723 millions d’euros) et 423 millions de dollars (283 millions d’euros) pour le comité d’organisation sud-africain. Là aussi, le budget est légèrement supérieur à celui des précédentes Coupes du monde, notamment concernant la sécurité. Mais côté recettes – dont 95 % sont liées au Mondial –, la Fédération internationale de foot a déjà atteint des records : 3,2 milliards de dollars (2,15 milliards d’euros) sur l’exercice 2007-2010, du jamais vu pour la Fédération. Les droits télévisés – incluant radio, Internet et mobile – ont été vendus pour 2 milliards de dollars (1,3 milliard d’euros), soit deux fois plus qu’en 2006. Entre 1998 et 2002, ces montants avaient déjà été multipliés par 10, passant de 86 à 860 millions de dollars (de 57 à 575 millions d’euros). Ils représentent 63 % des recettes de la Fédération. Côté sponsors, les marques partenaires déboursent 1 milliard de dollars, soit 669 millions d’euros, pour atteindre 31 % des revenus de la Fifa. Et même s’ils ne représentent plus qu’une petite part des revenus de la Fifa, les billets se vendent bien. Au milieu de la seconde phase de vente, près de 700 000 (sur 3 millions au total) ont trouvé preneur, dont 53 % auprès de Sud-africains. Avec un prix moyen de 136 dollars (91 euros), les billets partent à un coût comparable aux autres éditions. Reste une exception notable, celle de la création d’une catégorie 4 au prix de départ de 20 dollars (13,30 euros). Elle sera réservée aux seuls Sud-africains, dont 43 % vivent en dessous du seuil de pauvreté. Verra-t-on beaucoup de supporters des Bafana Bafana dans les stades flambant neuf ? Réponse en juin 2010. Une chose est sûre : si l’Afrique du Sud croise encore les doigts, la Fifa rit déjà.

 

Rob Davies, ministre sud-africain du Commerce et de l’Industrie

Le Mondial 2010, un signal fort

 

Commerce International : En ces temps de crise, que représente l’organisation de la Coupe du monde pour l’économie sud-africaine ?

 

Rob Davies : D’abord toutes ces infrastructures que nous construisons génèrent de l’activité économique et de l’emploi. C’est ensuite une opportunité touristique majeure. Nous pensons que montrer que l’Afrique du Sud est capable d’organiser des événements importants sera un signe fort envoyé au monde. Nous avons également l’obligation d’impliquer les petites entreprises dans les opportunités qui se présentent grâce à l’afflux de touristes. C’est une manière de créer de l’activité économique pour tous.

 

L’organisation de ce Mondial implique d’importantes dépenses pour le pays, quel retour sur investissement espérez-vous ?

 

R. D. : Cet investissement doit s’envisager comme un tout. La Coupe du monde a dessiné la contribution que le gouvernement a apportée aux transports et aux infrastructures. Nous l’aurions faite de toute façon. Mais il s’agit d’un héritage durable, même si l’événement en lui-même nous apportera beaucoup de bénéfices, principalement grâce à l’afflux de touristes et d’hommes d’affaires. Nous avons une réputation de pays capable d’organiser des événements, nous allons la consolider. Et nous sommes convaincus d’avoir un retour sur investissement.

 

Comment définiriez-vous une Coupe du monde réussie pour l’Afrique du Sud ?

 

R. D. : L’événement sera réussi si un nombre suffisant de personnes vient et si nous parvenons à capitaliser les opportunités. Nous espérons beaucoup des interactions avec les étrangers qui viendront voir les matchs. La Coupe du monde, ce n’est pas uniquement du football, mais aussi du commerce et des affaires. Cela va créer une atmosphère positive et un focus dans notre pays, et nous devons en tirer tous les avantages.

Article précédentMarketing en environnement islamique, un livre de Cedomir Nestorovic
Article suivantLa crise financière, héroïne de l’assemblée générale de l’Association ibéro-américaine des chambres de commerce