Le télétravail perce dans les entreprises françaises

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Les obstacles au télétravail en France se lèvent lentement, mais sûrement. Ses avantages sont nombreux, mais se heurtent encore à certains écueils, principalement culturels.

 

Thalès, Alcatel, Renault, Arkema, Michelin… En plus d’être des structures de renom, ces entreprises ont un point commun : elles pratiquent le télétravail, en plein essor dans l’Hexagone, car même si les grandes sociétés françaises se classent toujours loin derrière les pays anglo-saxons ou scandinaves, qui connaissent dans ce domaine un taux de travailleurs à distance compris entre 20 et 35 %, elles gagnent du terrain. Entre 2009 et 2012, la part des télétravailleurs est passée de 8,9 % à 12,4 % de la population active française. Mais les accords au sein des entreprises ont encore du mal à être signés, malgré la loi Warsmann de mars 2012 qui a officiellement fait entrer le télétravail dans le Code du travail. L’Obergo (Observatoire du télétravail, des conditions de travail et de l’ergostressie) indique que la très grande majorité des 1 500 entreprises de plus en 1 000 salariés n’ont toujours pas fait le nécessaire dans ce domaine.

 

 

Les avantages du télétravail sont multiples, tant pour les employeurs que pour les employés, et les dirigeants sont toujours plus nombreux à en prendre conscience. « À l’ère du numérique et de la société de la connaissance, le télétravail préfigure les nouvelles formes de travail, pas seulement dans les grands centres urbains, mais également dans les territoires ruraux », estime Bernard Delcros, président de la communauté des communes du pays de Murat, qui organise chaque année le Forum du Télétravail, l’unique manifestation d’envergure nationale sur le sujet, aux côtés de plusieurs partenaires comme la CCI du Cantal. Selon une étude réalisée en 2012 par le cabinet Greenworking, ce mode de travail apporterait un gain moyen de productivité de + 22 %. D’autres estimations avancent un niveau de productivité en hausse de 20 à 30 % selon les cas.

 

72 % des salariés franciliens se déclarent intéressés par cette pratique. La réduction de l’absentéisme, une meilleure efficacité et une meilleure concentration, sans oublier le gain de temps et de sommeil figurent parmi les principaux atouts. Les télétravailleurs dorment en moyenne 45 minutes de plus par nuit, et 37 minutes supplémentaires par jour sont consacrées à leur vie de famille. Le taux de satisfaction à l’égard du télétravail atteint globalement 96 %, selon l’étude de Greenworking, et est partagé tant par les télétravailleurs que par les managers et employeurs. Mais il implique un nouveau rapport au travail et un nouveau modèle managérial, fondé sur la confiance et l’autonomie, qui s’oppose à une culture française reposant souvent sur le contrôle. Selon un rapport de l’Insee, l’absentéisme tendrait même à disparaître avec le télétravail.

L’enquête de Greenworking précise toutefois qu’en dépit de ces avantages, le télétravail n’est pas généralisable à toutes les entreprises, toutes les fonctions et tous les individus. Ses bénéfices s’érodent à mesure que la proportion de télétravailleurs et le taux de télétravail augmentent. La proportion optimale de télétravailleurs au sein d’une organisation serait de 25 % et le taux idéal de télétravail de 30 %.

 

Il subsiste de nombreux freins, aussi bien d’ordre juridique et politique que d’ordre culturel. La mauvaise connaissance des responsabilités, notamment en cas d’accident du travail, le manque d’incitations fiscales de la part des pouvoirs publics, la sous-estimation des avantages de ce mode d’organisation pour l’entreprise et les collaborateurs ou encore le regard porté sur cette forme de travail, trop souvent assimilée à une absence, empêchent l’envol de cette tendance. « Les résultats sont toutefois de plus en plus encourageants », constate Bernard Delcros. Le Forum du Télétravail fait de mieux en mieux connaître les atouts de ce mode de travail et lutte contre les idées reçues. « Nous voulons continuer à être une source d’inspiration pour d’autres régions françaises, un moteur pour la dynamique locale et un appui pour l’ensemble des porteurs de projet en télétravail », poursuit-il. En plus de l’enjeu important qu’il peut représenter dans les zones rurales, le télétravail se développe également dans des centres dédiés.

 

Crédit Agricole SA a aménagé un télécentre situé à Saint Quentin en Yvelines où les salariés de l’ouest de la région parisienne peuvent se rendre une fois par semaine. SFR a également lancé une expérience de télétravail avec quelques 150 salariés volontaires. Le Centre d’analyse stratégique se montre très optimiste quant au développement de ce mode de travail. Selon lui, près de 50 % de la population active pourrait être concernés d’ici quelques années.

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